La poule, le nœuf et la multiplication

Extrait d’une séance de travail parue dans Les Plumes de LAIA n° 23, décembre 2013

Mémoriser les tables de multiplication est un grand classique des apprentissages. De fait, les connaître sur le bout des doigts apporte une rapidité de calcul assez confortable et facilite les apprentissages ultérieurs. Mais à 13 ans, la belle-fille de Kristin n’arrive pas à les retenir. Kristin nous détaille sa recette pour remédier au problème.

 

J’ai ressorti, à l’occasion des vacances de la Toussaint, les réglettes Cuisenaire de mes garçons, enrichi le tout d’un peu de gestion mentale et saupoudré de mindmapping et de mandalas pour lui concocter une séance de révision spéciale tables de multiplication.

Première étape : manipuler
Pas toujours bien à l’aise dans l’abstraction d’un 6×7, je doutais que L. sache vraiment de quoi elle parlait en récitant ses tables. Et à ce stade, on assiste effectivement plus à une récitation qu’à une mise en relation de nombres entre eux. Chez Cuisenaire (et les frères Lyons), on approche la multiplication comme un rectangle dont on multiplie un côté par l’autre. Il faut le vivre. Pour la table de 3, construire sur la table tous les rectangles possibles avec les réglettes vert clair : une réglette, deux réglettes, trois réglettes, etc., jusqu’à 10, voire 12 réglettes). Une fois ces rectangles alignés devant soi, on va les recouvrir par des réglettes blanches, qu’il suffira de compter pour connaître la quantité de réglettes blanches contenues dans chaque rectangle. On peut aussi les recouvrir de réglettes de couleur uniforme dans l’autre sens, ce qui permet d’expérimenter la commutativité de la multiplication (le rectangle vert clair 5×3 est recouvert par le rectangle jaune 3×5). Mais je ne l’ai pas fait cette fois-ci pour ne pas brouiller le message. Puis, à partir de chaque rectangle, on fabrique une croix faite de deux réglettes superposées : la réglette de la longueur du rectangle sous la réglette de la largeur du rectangle (vert clair sous jaune pour le rectangle composé de 5 réglettes vert clair, soit 5 fois la réglette 3). 5 fois la réglette 3 est égal à 15 réglettes blanches. Faire cette croix avec les deux réglettes permet d’accéder à l’abstraction, de sortir de la représentation en rectangle tout en restant dans la manipulation.

Deuxième étape : oraliser
Maintenant, on joue : toujours avec les rectangles et les croix sous le nez, elle me raconte tout cela (1×3 cela fait 3…) dans l’ordre de la table de multiplication. Puis je pose des questions : combien font 5×3, 6×3, 12×3 et 3×5, 3×6, 3×12 ? Qu’est-ce qui fait 15, 18, 36 ? Où est 15, 6×3, 36 ? Dans l’ordre puis dans le désordre, elle répond et/ou montre avec le doigt. Quand elle se sent prête, elle ne regarde plus les réglettes et continue de répondre.

Troisième étape : écrire
L. récapitule la table de 3 dans une mindmap. Au centre d’une feuille A3, elle dessine une fourmi, symbole qu’elle vient d’associer au 3 (une tête, un thorax et un abdomen, c’est la définition d’un insecte, je ne lui ai rien suggéré). Ce dessin est important, la mémoire aime ce genre d’association saugrenue, et cela va permettre de différencier les tables les unes des autres et de les ancrer dans la mémoire. Il sera plus efficace que ce soit les associations propres à l’enfant et qu’il les dessine lui-même (plutôt que vous les lui imposiez) ou que vous lui donniez un document tout fait à colorier. Ensuite, elle fait une branche, qu’elle dessine n’importe où sans tenir compte d’un ordre, ce qui est essentiel pour ne pas revenir à la récitation. Elle pose un signe multiplier sur cette branche et le nombre dans un cercle, et encore le résultat correspondant. Une couleur par branche, on peut aller jusqu’à 15, au collège c’est pratique à connaître. L. apprend sa mindmap, c’est-à-dire qu’elle la met dans sa tête comme elle le souhaite. Puis elle vérifie qu’elle l’a effectivement dans la tête en ne la regardant plus. Elle revient à la feuille pour s’en assurer, si besoin. Quand elle la sait, nous jouons à la restituer, je pose des questions, et je la guide si nécessaire : la branche bleue, en haut à droite… Associations saugrenues, couleurs, espace sont des alliés de la mémoire. Il faudra y revenir régulièrement pour ancrer la mémorisation.

Quatrième étape : globaliser
L. va retrouver sur deux mandalas la totalité des tables sauf les doublons. Un mandala contient l’opération, l’autre les résultats. Elle va pouvoir colorier la table de 3 en devinant le résultat sur l’un et retrouver la table en coloriant le résultat sur l’autre. Ces deux mandalas sont rassurants, ils mettent une limite à l’apprentissage des tables de multiplication. Certains enfants ont besoin de cette globalité pour démarrer l’apprentissage, d’autres sont rassurés de savoir où ils vont.

Kristin Leroy