Nous accusons

Texte paru dans Les Plumes n° 42, septembre 2018

Adaptation libre du texte original écrit par Émile Zola et publié le 13 janvier 1898 en première page du quotidien parisien L’Aurore sous la forme d’une lettre ouverte au président de la République. Le texte accuse le gouvernement de l’époque d’antisémitisme dans l’affaire Dreyfus.

Nous, citoyen.ne.s du monde, concerné·e·s par l’avenir des enfants, les nôtres et ceux des autres, conscient·e·s qu’ils·elles seront les acteur·trice·s de la société de demain, ne voulons pas d’une école obligée et obligatoire. Nous refusons ces obligations d’un autre temps qui nous mèneront vers un système de plus en plus privatisé au sein duquel ceux qui feront les adultes de demain n’auront plus aucune liberté pour créer, inventer, accroître un savoir différencié et multiple, utiliser des connaissances à des fins d’élévation de leur monde : la planète. L’instruction vécue ailleurs que dans des établissements attitrés a des raisons surtout politiques (vie de la cité). Nous défendons la « permaculture des cerveaux » : favoriser un processus naturel en permettant un environnement propice à l’épanouissement de l’humain dans sa diversité de modes d’apprentissage au sein d’une société en transition. Nous refusons les enjeux financiers se profilant à l’horizon d’une privatisation de l’école publique qui s’en vient. Elle demeure plus que jamais nécessaire dans les droits qu’elle permet. Nous ne voulons pas d’une société qui n’entend plus ses enfants, qui maintient les enfants dans des salles de classe bondées, avec des adultes épuisés, et ce, dès l’âge de trois ans désormais. Nous ne voulons pas de programmes figés dont nul ne pourra s’extraire, administrant des cerveaux dont le principal besoin pendant les vingt premières années est d’être nourris de bienveillance, d’écoute et d’aisance de mouvement. Alors pour toutes ces raisons et bien d’autres, nous accusons.

 

Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Ministres, Messieurs et Mesdames les Député·e·s, Messieurs et Mesdames les Recteurs et Rectrices, Messieurs et Mesdames les Inspecteurs et Inspectrices de l’Éducation nationale, Messieurs et Mesdames les Professeur·e·s,

Nous permettez-vous, dans notre reconnaissance de l’utilité de vos institutions à garantir le droit des enfants à l’instruction, d’avoir le souci d’un juste respect de l’humain, et de vous dire que vos respectives fonctions, si définies jusqu’ici, sont menacées de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ? Vous avez su défendre une laïcité indispensable à la mixité génératrice de richesses intellectuelles. Vous apparaissez garantissant l’accès à la culture pour tant de personnes à qui son approche est impossible. Mais quelle tache de boue sur vos fonctions, nous allions dire sur vos noms, que cette abominable réduction des libertés individuelles ! Lors des Assises de la maternelle – quelle appellation tout de même ! –, l’obligation d’instruction dès 3 ans a été annoncée. Quelques semaines plus tard, vous enfoncez les barrières de la liberté d’instruction garantie par la Constitution¹. Sans plus de tracas. Et c’est fini, la France a sur la joue cette trace, l’histoire écrira que c’est sous vos mandats qu’une telle privation de droits a pu être commise. Puisque vous avez osé, nous oserons nous aussi. La défense de nos enfants, nous l’assurerons, car nous avons promis d’en être les garants, si la société, régulièrement sollicitée, ne la garantissait pas, pleine et entière. Notre devoir est de parler, nous ne voulons pas être complices. Nos nuits seraient hantées par le spectre de l’innocence enfermée, dans la plus horrible indifférence, sous couvert d’égalité des chances. Et c’est à vous, fonctionnaires et dirigeants, que nous la crierons, cette vérité, de toute la force de la révolte d’honnêtes femmes et hommes, parents. Pour votre décence, nous sommes convaincu·e·s que vous l’ignorez. Et à qui donc dénoncerions-nous la tourbe malfaisante des vrais coupables, si ce n’est à vous, les censeurs de nos modes d’instruction ?

La vérité d’abord sur le procès et sur la condamnation de l’instruction en famille. Plusieurs personnalités ont amené l’instruction en famille là où elle en est. On ne pourra le comprendre que lorsqu’un historique loyal sera établi, notamment par l’escalade des suspicions successives. Ces personnalités apparaissent comme des esprits fumeux, des plus soupçonneux, hantés d’atteintes à leurs pouvoirs, se complaisant aux moyens de rapports de la Miviludes², tests et exercices abusifs, enquêtes de mairie devenant enquêtes sociales, programmes d’excellence, iniquités de traitement. Ce sont elles qui imaginèrent de dicter des procédures de contrôle, ce sont elles qui révèrent de piéger l’apprenant dans ses manques, ce sont elles que la société nous présente comme experts de nos enfants, voulant nous dire les tenants et aboutissants de leur façon d’apprendre, sous la pression d’une mise en scène proche du procès sans présomption d’innocence³. Et nous n’avons pas à tout dire, qu’on cherche, on trouvera. Nous déclarons simplement que depuis 1998, les personnes chargées de décider, légiférer, faire appliquer les lois nous concernant, sont, dans l’ordre des dates et des responsabilités, les premiers coupables des injustices qui sont commises.

Les circulaires sont sur tous les bureaux de l’Éducation nationale depuis Mme Royal, disparue depuis du monde politique. Des erreurs ont lieu, des rapports pédagogiques ne sont pas écrits, ou sont une version différente du déroulé physique et oral ; et les auteur·e·s de ces écrits restent injoignables et inatteignables, alors que nous sommes, nous, parents, des citoyens en relation avec une administration et non des coupables par défaut, ce qui montre avec quel esprit judiciaire sont élaborés ces échanges, car un examen raisonné prouve qu’instruction donnée à nos enfants il y a. On cherche donc dans les maisons, on examine la tenue du stylo, le nombre de copain·e·s qu’il y a, c’est comme une affaire de maltraitance, un parent malfaisant à surprendre dans son rôle même, pour l’en démettre. Et sans que nous voulions refaire ici une histoire connue en partie, les procureurs et les juges aux affaires familiales entrent en scène, dès qu’un premier soupçon nous tombe dessus. À partir de ce moment, ce sont eux qui inventent le parent indigent, chaque cas devient l’affaire de l’instruction en famille, ils se font forts de confondre les mauvais parents, de les amener à rentrer dans le rang (des bancs d’école). Il y a bien quelques député·e·s à la politesse obligée ; il y a bien quelques agents qui paraissent céder à la pression de leur hiérarchie, et des exécutants de procédure, dont la conscience peut s’accommoder de beaucoup de choses. Mais au fond, il n’y a d’abord que le ministère de l’Éducation nationale, qui les mène tous, qui les dirige, car il s’occupe aussi de budgets, de chiffres, de performances. On ne saurait concevoir les menaces auxquelles nous sommes soumis dès réception de notre déclaration annuelle, les méthodes d’intimidation dans la rédaction des « convocations » (le terme parle de lui-même), les domaines et compétences redéfinis à loisir exploitant la réserve sans fond de mots plus abstraits les uns que les autres auxquels nous devons soumettre nos pédagogies, toute une artillerie paralysante.

Ah ! Ces relations avec l’Éducation nationale, elles sont un cauchemar pour qui les connaît dans ses détails vrais ! Tel inspecteur s’insurge sur l’enfant qui n’a pas voulu répondre. Il court chez madame la rectrice, menace la famille, lui dit que l’enfant est perdu. Pendant ce temps, l’enfant était tétanisé, ne sachant ce qui était attendu de lui. Et les sanctions sont posées ainsi, comme dans un passage d’examen, au milieu de la pression, avec une complication de langages obtus, tout cela basé sur une seule charge sociétale, ce diktat d’un autre siècle, qui est devenu plus qu’un droit, qui est aussi désormais un devoir, au prétexte que les fameux secrets de la connaissance s’en trouveraient pillés.

Si nous insistons, c’est que l’œuf est ici, d’où sort le vrai crime, l’épouvantable déni de liberté dont la France est malade. Nous voudrions faire toucher du doigt comment l’erreur de jugement peut être possible, comment elle naît des machinations de l’organisation ministérielle, comment les recteurs toujours, les inspecteurs et professeurs souvent, peuvent s’y laisser prendre, engager peu à peu leur responsabilité dans ces erreurs, qu’ils croient devoir, plus tard, imposer comme vérité sainte, une vérité qui ne se discute même pas. Au début, il n’y avait donc que de l’incurie et de l’inintelligence de leur part. Tout au plus, les sentions-nous céder à la volonté de bien faire et aux préjugés sur la marginalité. Nous avons laissé faire. Et nous voici en guerre. Les parents instructeurs martyriseraient leurs enfants qu’on ne prendrait pas des mesures restrictives plus fortes. Les gens se parlent, ils chuchotent des faits terribles, de ces abandons d’éducation d’enfants qui indignent ; et naturellement les gens s’inclinent. Il n’y a pas de législation assez sévère, les gens applaudissent à l’instruction obligatoire à 3 ans, les gens veulent que les parents faisant autrement qu’eux restent sur leur rocher d’infamie, dévorés par la honte de n’avoir pas rempli leur rôle. Est-ce donc vrai, les choses qui se disent, les choses dangereuses, capables de mettre les enfants en péril, qu’on doive enterrer soigneusement ces modes d’instruction autres ? Non ! Il n’y a derrière que les imaginations saugrenues et déraisonnables d’un ministère dédié. Tout cela n’est fait que pour cacher la plus grande oppression qui soit : celle de l’enfance4. Et il suffit, pour s’en assurer, d’étudier attentivement les socles communs successifs et les lois s’adressant à l’instruction en famille. Ah ! L’impossibilité d’application de ces lois ! Que des familles puissent être traduites en justice sur ces actes, c’est un prodige d’iniquité. Nous défions les honnêtes gens de les lire sans que leur cœur bondisse d’indignation et crie l’injustice, en pensant à l’expiation démesurée, ici, là-bas, de ces enfants accusés de ne pas savoir. Celui-ci sait plusieurs langues mais ne les écrit pas, crime ; au contrôle, il n’a pas amené de documents écrits mais explique tout ce que lui a apporté sa participation à la réalisation d’une pièce de théâtre, crime ; il va parfois davantage chez des amis qu’à un club de sport, crime ; il est curieux, il a le souci de poser des questions en dilettante, crime ; il est sûr de lui, crime ; il n’est pas sûr de lui, crime. Et les naïvetés de rédaction des rapports, les formelles assertions dans le vide ! On nous parle ici de palier 2 en français non acquis : nous trouverons que le palier 3 en mathématiques est dépassé ; et d’un contrôle à l’autre, d’un inspecteur à une professeure, nous voyons qu’ils peuvent ne pas être d’accord, que l’un appréciera la spontanéité de l’enfant et l’autre lui dira de contrôler son énergie. Nous pourrions vous parler des contrôles face à quatre jurés, à un psychologue, à quelqu’un dont on ne connaît pas le nom. Nous sommes bien incapables de dresser un inventaire de toutes les irrégularités que nous devons subir mais il est certain que tous ne nous chargent pas ; et il est à remarquer, en outre, que tous appartiennent au ministère. Ce sont des procès de famille, ils sont entre eux, et il faut s’en souvenir : l’Éducation nationale a voulu les contrôles, les organise, les sanctionne. Et, dès lors, comme l’on comprend l’obstination désespérée avec laquelle, pour justifier la condamnation, ils affirment aujourd’hui l’existence d’un foyer favorisant, accablant, le fait qu’on ne peut montrer, qui légitime tout, devant lequel nous devons nous incliner, le terrorisme en herbe, invisible et inconnaissable ! Nous le nions, ce foyer, nous le nions de toute notre puissance ! Un foyer ridicule, oui, peut-être le lieu où il est question de petites divergences, et où il est parlé de certaines confessions… qui deviennent trop présentes : quelques familles sans doute trouvant qu’une croix ou un voile ne sont pas dangereux.

Mais un lieu virtuel intéressant le ministère en plus haut siège, qu’on ne saurait vivre sans que la guerre fût déclarée demain, non, non ! C’est un mensonge ! Et cela est d’autant plus odieux et cynique qu’ils mentent impunément sans qu’on puisse les en convaincre. Ils ameutent la France, ils se cachent derrière sa légitime émotion, ils ferment les bouches en troublant les cœurs, en pervertissant les esprits. Nous ne connaissons pas de plus grand crime civique. Voilà donc, Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les fonctionnaires, les faits qui expliquent comment une erreur politique peut être commise ; et les preuves pédagogiques, les situations des familles assumant leurs responsabilités, l’absence de motifs, leur continuel cri d’innocence, achèvent de les montrer comme des victimes des extraordinaires imaginations d’un gouvernement, du milieu libéral où il se trouve, de la chasse aux « différences », qui déshonore notre époque.

Où est-il, le ministère vraiment fort et d’un patriotisme sage, qui osera tout y refondre et tout y renouveler ? Que de gens nous connaissons qui, devant une guerre possible, tremblent d’angoisse, en sachant dans quelles mains est le ministère de l’Éducation nationale ! Et quel nid de basses attaques, de commérages et de dilapidations, est devenu cet asile sacré, où se décide le sort des enfants ! On s’épouvante devant les jours terribles que jettent les signalements pour maltraitance de certaines familles, sacrifiées au nom du sacro-saint socle commun de connaissances, de compétences et de culture tel que défini par la loi ! Ah ! Tout ce qui s’agite là de démence et de sottise, des imaginations folles, des pratiques de basse police, des mœurs d’inquisition et de tyrannie, le bon plaisir de quelques chevronnés mettant leurs bottes sur la pédagogie, lui rentrant dans la gorge son cri de vérité et d’ouverture, sous le prétexte menteur et sacrilège des programmes décidés ! Et c’est un crime encore que de s’être appuyé sur la presse immonde, que de s’être laissé défendre par tous les bien-pensants de l’enfance, de sorte que voilà le dogme de la pensée monochrome qui triomphe insolemment, dans la défaite du droit et de la simple probité. C’est un crime d’accuser de maltraiter leurs enfants ceux qui les veulent heureux, au sein de sociétés libres et justes, lorsqu’on ourdit soi-même l’impudent complot d’empêcher l’ouverture sur les autres devant le monde entier. C’est un crime d’égarer l’opinion, d’utiliser pour une besogne de mort cette opinion qu’on a pervertie jusqu’à la faire délirer. C’est un crime d’empoisonner les petits et les humbles, d’exaspérer les passions de réaction et d’intolérance, en s’abritant derrière l’odieuse suspicion de terrorisme, dont la grande France libérale des droits de l’homme mourra, si elle n’en est pas guérie. C’est un crime que d’exploiter la peur pour des œuvres de haine, et c’est un crime, enfin, que de faire de la loi le dieu moderne lorsque toutes les neurosciences sont au travail pour l’œuvre prochaine de vérité et de juste autonomie. Cette vérité, cette juste autonomie, que nous avons si passionnément voulues, quelle détresse à les voir ainsi souffletées, plus méconnues et plus obscurcies !

Nous nous doutons de l’écroulement qui pourra avoir lieu dans l’âme de certains députés, et nous croyons bien qu’ils finiront par éprouver un remords, celui de n’avoir pas agi révolutionnairement, le jour de vote à l’Assemblée, en lâchant tout le paquet, pour tout jeter à bas. Ils sont les garants de la démocratie, ils croient que les lois se suffisent à elles-mêmes, surtout lorsqu’elles prétextent la sécurité comme un passage obligé. À quoi bon tout bouleverser, puisqu’il n’y a pas d’autre solution ? Et c’est de ces peurs irraisonnées dont ils sont si tristement aveuglés. De même pour les agents mandatés pour les contrôles, qui, par un sentiment de haut professionnalisme, ne veulent pas aller à l’encontre des directives. Ces scrupules les honorent d’autant plus que, pendant qu’ils restent respectueux de la discipline, leurs supérieurs les laissent sans moyen dans leurs classes, imposent là aussi des contraintes, de la façon la plus péremptoire et la plus infantilisante. Il y a beaucoup de victimes, des braves gens, des cœurs simples, qui laissent faire le « Bien », tandis que le « Mal » agit. Et l’on a même vu, pour les députés, cette chose ignoble : l’Assemblée nationale, après avoir accepté de passer du temps sur un cavalier législatif, ne défendre nos libertés que timidement, partiellement, admettant l’absence même de la ministre pendant les débats, pour finir par laisser s’imposer le terrorisme intellectuel étatique. Nous disons que ceci est un crime de plus et que ce crime soulèvera la conscience publique. Décidément, l’Assemblée nationale se fait une singulière idée de la liberté d’instruction. Telle est donc la simple vérité, Messieurs-dames, et elle est effroyable, elle restera pour votre présidence une souillure. Nous nous doutons bien que vous n’avez aucun intérêt dans cette affaire, que vous êtes le prisonnier d’influences supérieures. Vous n’en avez pas moins un devoir d’humain, auquel vous songerez, et que vous remplirez. Ce n’est pas, d’ailleurs, que nous désespérons le moins du monde du triomphe. Nous répétons avec une certitude plus véhémente : la liberté d’instruction des enfants est en marche et rien ne l’arrêtera. C’est aujourd’hui seulement que l’affaire commence, puisque aujourd’hui seulement les positions sont nettes ; d’une part les coupables qui ne veulent pas que les enfants soient libres d’apprendre ; de l’autre les parents qui donnent leur vie pour que ça leur soit possible. Nous l’avons dit ailleurs, et nous le répétons ici : quand on enferme la liberté d’instruction derrière des barreaux sécuritaires, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. On verra bien si l’on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres.

Mais cette lettre est longue, Monsieur le Président, et il est temps de conclure. Nous accusons les ministres successifs de nous avoir limités dans nos volontés de développer des pédagogies qui ouvraient nos enfants à une construction sociétale plus équitable, plus généreuse, plus autonome et d’avoir ensuite défendu leur œuvre néfaste, depuis des années, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables.

Nous accusons les recteurs et rectrices de s’être rendus complices, tout au moins par faiblesse d’esprit, d’une des plus grandes iniquités du siècle.

Nous accusons les inspecteurs et inspectrices d’avoir eu entre les mains les possibilités certaines de l’innocence de nos démarches et de les avoir étouffées, de s’être rendus coupables de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver le système scolaire français compromis.

Nous accusons les professeur·e·s de s’être rendu·e·s complices du même crime, les uns sans doute par conviction professionnelle, les autres peut-être par cet esprit de corps qui fait des bureaux de l’Éducation nationale l’arche sainte, inattaquable.

Nous accusons certains agents travailleurs sociaux de faire des enquêtes scélérates, nous entendons par là des enquêtes de la plus monstrueuse partialité, dont nous constatons parfois, dans des rapports, un impérissable monument de naïve audace.

Nous accusons les agents mandatés lors des contrôles de faire des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu’un examen médical ne les déclare atteints d’une maladie de la vue et du jugement.

Nous accusons divers intervenants d’avoir mené dans la presse, une campagne permanente, pour égarer l’opinion et couvrir leurs fautes.

Nous accusons enfin le président de la République d’avoir violé le droit à l’enfance, en condamnant tous les enfants de 3 à 16 ans désormais, à n’apprendre que ce qui est décidé et à quel âge ça l’est et nous accusons ses ministres et député·e·s de couvrir cette ignominie, en commettant à leur tour le crime humanitaire de se substituer sciemment aux parents, s’ils en émettent le souhait, pour s’acquitter de cette tâche.

En portant ces accusations, nous n’ignorons pas que nous allons au-delà de ce qui nous est autorisé habituellement. Et c’est volontairement que nous nous exposons.

Quant aux gens que nous accusons, nous ne les connaissons pas, nous en avons rencontré certain·e·s, nous n’avons contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour nous que des entités, des esprits de collaboration sociale. Et l’acte que nous accomplissons ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.

Nous n’avons qu’une passion, celle de la liberté d’apprendre, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit à l’accès à une culture non fractionnée, non réglementée, non sélectionnée, non privatisée. Notre protestation enflammée n’est que le cri de notre âme. Qu’on ose donc nous traduire en jugements et que les enquêtes aient lieu au grand jour ! Nous attendons.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Ministres, Messieurs et Mesdames les Député·e·s, Messieurs et Mesdames les Recteurs et Rectrices, Messieurs et Mesdames les Inspecteurs et Inspectrices de l’Éducation nationale, Messieurs et Mesdames les Professeur·e·s, l’assurance de notre profond respect.

Libres Apprenants du Monde

1 – Conclusions de la mission flash pilotée par A. Brugnera et G. Pau-Langevin du 23 mai au 18 juillet 2018
Voir également page 6 de ce numéro, rubrique « IEF Actus & Infos ».
2 – Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
3 – « Le système scolaire face à l’instruction dans la famille », d’Alain Quatrevaux, Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs n° 10 (2011)
4 – La domination adulte – L’oppression des mineurs, d’Yves Bonnardel (Myriadis, 2015). Voir une présentation du livre ici.