Interview parue dans Les Plumes n° 42, septembre 2018
Dans notre dossier dédié à l’étude de la langue anglaise, les parents étaient tous unanimes : rien ne vaut l’apprentissage en immersion. Désormais, pour les jeunes enfants, il existe une méthode qui simule l’immersion et favorise l’apprentissage intuitif : Kokoro Lingua. Nathalie Lesselin, initiatrice du projet, nous explique le concept de cette méthode innovante.
Depuis notre interview, Kokoro Lingua a été primée à plusieurs reprises :
♦ 2018 : Médaille d’or au concours Lépine International – Paris |
Comment est né le projet Kokoro Lingua ?
Nathalie Lesselin : C’est avant tout l’histoire d’une maman qui a vécu des moments professionnels et personnels forts à l’étranger, et qui recherche, sans vraiment trouver, une solution pour exposer ses enfants aux langues étrangères à la maison, dans le plaisir. Après huit années à tester différentes méthodes, comparer, expérimenter, je me suis entourée d’une équipe de professionnels pour créer la méthode que j’aurais aimé avoir pour mes enfants. En effet, l’apprentissage d’une langue, dès le plus jeune âge, est essentiel, c’est une porte ouverte à l’autre, à la différence, à la paix. Il est notamment démontré que l’exposition précoce à une langue étrangère favorise l’acceptation de la diversité sociale et physique chez les êtres humains¹. Ainsi est né Kokoro Lingua. C’est une approche très particulière, très personnelle, et nous avons eu la joie de recevoir une médaille d’or au concours Lépine International Paris 2018 pour cette innovation pédagogique brevetée.
Votre méthode s’appuie sur les recherches en neurosciences. Comment cela se traduit-il ?
N. L. : Les travaux de David Sander² montrent que l’éveil des émotions facilite la « focalisation attentionnelle lors de l’encodage » avec un effet mesurable sur la mémoire à court et à moyen terme. Le professeur Stanislas Dehaene³ a également démontré que l’émotion et l’intuition sont des facteurs puissants de mémorisation. Concrètement, il n’y a aucune traduction dans les vidéos. Les enfants, grâce au contexte présenté, sont invités à comprendre par eux-mêmes. Ils découvrent et apprennent comme ils le feraient avec leur langue maternelle. Le sens et la structure se mettent peu à peu en place, guidés par le contexte des vidéos, et suivant un parcours pédagogique prédéfini. En parallèle, le facteur émotionnel est au cœur de nos vidéos : ce sont des enfants natifs qui partagent leur langue maternelle, au travers de leur quotidien, de leurs jeux, et les enfants se reconnaissent aussitôt ! Les moments de rires, de blagues, de tendresse, rapprochent émotionnellement les peuples, quelle que soit leur origine et la langue qu’ils parlent. Nous avons été très touchés par le témoignage d’une maman : « Une fois mon fils m’a dit : « Joshua, c’est mon copain ». Étonnée, je lui demande qui c’est, car je n’en connais pas, et il me dit : « Bah, c’est dans Kokoro ! » ». Les enfants qui apprennent se retrouvent, se reconnaissent dans les enfants « petits profs » et ont envie de découvrir la suite.
Chaque vidéo propose une séance de brain gym suivie d’une saynète en anglais. Pourquoi associer les deux ?
N. L. : Avant de démarrer un apprentissage, surtout par vidéo, il est essentiel que l’enfant soit centré, calme, au meilleur de lui-même pour assimiler tranquillement. Alors, avant de commencer à visionner la première vidéo, nous disons à l’enfant : « Nous allons voir une vidéo avec des enfants qui sont comme toi et qui sont différents ». Jamais nous ne parlons de cours, ni d’anglais, car au fond, au départ, cela n’a pas d’importance pour l’enfant. Nous lui proposons de préparer un verre d’eau et deux personnages. L’enfant est souvent surpris, et curieux, de ces préparatifs avant de regarder l’écran. Oui, c’est inhabituel ! Car l’écran peut ouvrir au monde, éveiller, faire découvrir ce qui ne serait pas accessible autrement. Puis nous regardons la vidéo, et le processus d’imitation se met en place : l’enfant Kokoro boit de l’eau, nous le faisons également. L’enfant Kokoro fait des exercices de respiration, de centrage, des mouvements, et nous reproduisons ces gestes. En faisant ainsi, un mimétisme se met en place, qui est très favorable au moment où le jeune anglophone commence à s’exprimer dans la vidéo. Il arrive, notamment en classe, lorsque le brain gym est déjà mis en place au début des activités, que l’enfant n’ait pas envie ou pas besoin de le faire. Il est toujours possible de passer cette étape dans la vidéo et d’aller directement à la partie pédagogique.
Comment sont choisis les enfants acteurs ?
N. L. : Les enfants sont tous anglophones natifs, ils ont grandi avec l’anglais comme langue première. Leurs origines sont diverses : Grande-Bretagne, États-Unis, Nouvelle-Zélande… Il est important pour nous de montrer qu’une même langue peut se prononcer différemment, même si les accents principaux présentés sont le britannique et l’américain.
Kokoro Lingua s’adresse à des enfants âgés de 3 à 7 ans. En famille, les apprentissages sont souvent multi-âges. Est-il possible de visionner les vidéos en famille avec des enfants de plus de 7 ans ?
N. L. : De nombreuses familles qui suivent le programme ont plusieurs enfants. Les aînés ont même jusqu’à une dizaine d’années et peuvent montrer l’exemple. Les réactions peuvent être différentes d’une famille à l’autre, c’est en général un moment en famille, de plaisir partagé, de rires aussi. L’idée est de pouvoir reproduire ensemble, ensuite, dans la « vraie » vie, ce que l’on a découvert dans la vidéo. Le témoignage d’une maman non scolarisante : « Mes deux filles sont fans, la plus grande a déjà acquis beaucoup de vocabulaire. C’est spontané ! Le matin au petit déjeuner : « for breakfast I like orange juice, cereals, etc. ». Je parle anglais donc elles savent que je peux aussi participer, mais ma grande s’exprime sans sollicitations. » L’objectif est là : jouer ensemble avec ces mots nouveaux ! Il peut arriver qu’un plus grand n’ait plus envie. Aucun souci ! Les principes sont : liberté et respect. L’enfant est libre de regarder, aucune obligation, aucune attente. En revanche, s’il ne souhaite pas participer, il respecte ses frères et sœurs qui suivent avec intérêt !
Vous avez développé une approche solidaire afin que votre programme soit accessible au plus grand nombre. Comment cela fonctionne-t-il ?
N. L. : Kokoro Lingua, c’est l’apprentissage par le cœur (« kokoro » signifie « cœur », « âme » en japonais). C’est aussi un apprentissage qui se partage. Chaque enfant a droit à la meilleure éducation possible. C’est un devoir de rendre cette exigence réelle et participer ainsi, à notre mesure, au développement d’une génération soucieuse de l’autre et du monde. Ainsi, pour chaque abonnement souscrit, un abonnement est mis à disposition d’une famille en difficulté, rendant ainsi l’innovation pédagogique accessible à tous. Les familles qui en bénéficient vivent en France, en Europe et aussi plus loin (Roumanie, Brésil, etc.). Ces familles nous sont recommandées soit par des familles ayant adhéré, soit par des associations, ou nous contactent directement par courriel.
Envisagez-vous de développer la méthode dans d’autres langues ?
N. L. : Oui, c’est notre rêve et notre objectif ! En parallèle des adhésions qui nous permettent de financer les prochains tournages, nous recherchons des fonds pour d’autres langues et espérons pouvoir concrétiser ce projet d’ici deux ans. L’anglais a été la langue la plus demandée, mais nous avons envie de continuer l’aventure et de faire rayonner le plaisir d’apprendre les langues et d’entrer en communication avec l’autre pour les enfants, dès le plus jeune âge. Souvent, les familles nous demandent quelle sera la prochaine langue. Cela dépend naturellement des financements que nous pourrons obtenir… et dans nos rêves nous aimerions que les familles elles-mêmes puissent choisir !
1 – Selon les résultats d’une étude de l’université de Concordia publiée dans la revue Developmental Science (janvier 2015). Menée sur 48 enfants, les uns monolingues, les autres bilingues simultanés (qui ont appris deux langues en même temps) ou bilingues séquentiels (qui ont appris une seconde langue après 3 ans), cette étude a démontré « que l’expérience quotidienne dans un domaine – l’apprentissage d’une langue – peut altérer les croyances des enfants dans de nombreux domaines, réduisant leurs partis pris essentialistes [fait de penser que les caractéristiques d’une personne sont innées et non issues de l’expérience] »
2 – David Sander est professeur de psychologie et directeur du Centre interfacultaire en sciences affectives (CISA) de l’Université de Genève. Ses recherches portent sur les mécanismes impliqués dans le déclenchement de l’émotion et sur la manière dont ils modulent la réponse émotionnelle ainsi que l’attention, la mémoire et la prise de décision.
3 – Stanislas Dehaene est psychologue cognitiviste et neuroscientifique. Ses recherches concernent les bases cérébrales de l’arithmétique et de la numération, la lecture et la conscience.
Kokoro Lingua
Kokoro Lingua est un projet de l’association suisse Big Bang Generation qui s’est donné pour mission de diffuser un idéal d’universalité via l’éducation et la promotion de l’éveil aux langues étrangères, de la diversité et de la protection de l’environnement. Initié par Nathalie Lesselin, passionnée de développement et de communication en contexte international, le programme Kokoro Lingua est élaboré par une équipe bénévole et pluridisciplinaire qui compte notamment une enseignante Montessori et une personne formée en brain gym. L’approche pédagogique innovante de Kokoro Lingua a été récompensée par une médaille d’or au concours Lépine International Paris 2018. Les vidéos |
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